Révélation aux Olympiades de 2000 à Sydney, mélange de style guerrier grec et de charisme sportif, notre invité d’aujourd’hui est certainement l’un des plus marquants de l’histoire du taekwondo. Homme aux multiples facettes, père de famille, médaillé européen, olympien et vainqueur de la Coupe du monde, mannequin dans le temps, Pascal Gentil fait partie des athlètes que nous aimerions tous lire ou écouter.
Nous sommes honorés d’avoir cette opportunité et de continuer à fournir à notre public les meilleures histoires des légendes de ce sport.
MT: Bonjour champion, nous allons commencer par l’humain, comment vas-tu? Comment avez-vous vécu cette période de pandémie avec votre famille?
PG: Très bien, très bien, merci. Je dois dire que nous avons eu de la chance. Dès janvier 2020, à l’annonce officielle de la pandémie, alors que tous nos amis étrangers vivant en Chine prenaient leur billet d’avion pour rentrer dans leur pays d’origine, nous nous sommes dit avec mon épouse qu’on était très bien où nous étions et qu’il y avait plus de risques que l’épidémie se propage dans le monde qu’autre chose.. De plus, nous n’étions pas sûrs de ne pas être nous-même porteurs du virus, donc pas question de le ramener à nos parents en France… .. nous sommes donc restés à Pékin, et après 3 mois de confinement très strict et 8 mois sans école.. tout est redevenu presque comme avant ici, exception faites des contraintes de déplacements et du port du masque resté obligatoire dans tous les lieux publics.

MT: Tout dans la vie à un début, comment a-t-elle commencé votre histoire avec ce sport?
PG: J’ai commencé assez tard ! j’avais déjà 18 ans. J’allais avec mes amis dans une maison des jeunes, j’aimais le break dance.. – aujourd’hui officialisée discipline olympique pour Paris 2024 ! – quand un jour, un gars est rentré dans le gymnase, a collé son pied au plafond, j’étais époustouflé, je lui ai dit : “comment tu fais ça??” Il m’a répondu : “c’est du taekwondo”. Quelques jours après, j’étais sur les bancs pendant son cours, puis je rentrais chez moi, je refaisais les mouvements – à l’époque je n’avais pas de quoi me payer une licence. J’étais fasciné par la beauté du geste, et sa souplesse.
MT: Vous souvenez-vous encore de votre premier entraîneur, salle d’entraînement?
PG: Jean-Michel Brunelle, USF Taekwondo à Fontenay sous bois, en septembre 1991. Il m’a appris le goût de l’effort, la patience et la persévérance. C’était un élève de maître Lee Kwan Young, pionier du taekwondo en France.
MT: L’un de vos meilleurs moments a certainement été en l’an 2000, les Jeux olympiques de Sydney. Comment l’avez-vous vécu?
PG: Désolé de vous contredire, mais un de mes moments les plus mémorables c’était la finale de la Coupe du monde au Vietnam en 2002 où je combattais un Vietnamien avec un arbitrage défavorable et j’ai réussi, à force de courage et de bravoure à renverser la situation en finissant avec un fabuleux 360 pit tolyo au visage qui a fait chûter mon adversaire. Evidemment que ma première participation aux Jeux Olympiques a été remarquable mais il y a aussi eu beaucoup de tristesse de ne pas avoir pu décrocher la médaille d’or..
MT: Quand la vie vous prend quelque chose, elle vous redonne le double. Cette citation semble idéale pour l’histoire que vous avez vécue à Pékin 2008. Veuillez nous raconter cette histoire. Comment la blessure qui vous a exclu de la compétition s’est-elle produite? Et comment en même temps vous a-t-il permit de retrouver l’amour de votre vie?
PG: Oui effectivement, la lutte était acharnée entre Mickaël Borot et moi-même pour aller aux Jeux. J’étais retenu et à un mois de l’échéance, une blessure de l’aponévrose plantaire ont contraint les entraîneurs à me remplacer. Et comme vous êtes très bien renseignée, j’ai effectivement rencontré celle qui allait devenir ma femme, qui est merveilleuse, m’a donné deux superbes enfants, Mila et Eli et fait de moi un homme meilleur.
MT: Gagner un titre crée une sensation indescriptible et encore plus à une époque où la Corée et Cuba (poids lourds) régnaient. Comment avez-vous vécu ces moments du point de vue émotionnel? C’était un défi d’être sur le podium avec eux?
PG: Avec la Corée, c’était plutôt l’Iran qui dominait. Et effectivement, c’était vraiment un défi de pouvoir monter sur les podiums et j’ai eu la chance de pouvoir y rester pendant plus de 22 ans.
MT: Nous avons aussi appris que vous étiez mannequin, comment était votre vie entre le sport et ce métier?
PG: Très simplement au début de ma carrière, on m’a toujours dit que je n’y arriverais pas et que ce n’était pas pour moi. Evidemment, je n’ai pas écouté toutes ces voix et me suis battu pour lutter contre ces idées reçues et mon but en tant que mannequin c’était de faire des choses qu’un mannequin ne pouvait pas faire, apporter une touche d’originalité et de performance dans la photo, c’était toujours mon objectif, au delà de l’aspect artistique.
MT: Le taekwondo a évolué et continue de le faire aujourd’hui. Comment Pascal Gentil perçoit-il ce changement de l’extérieur? Qu’y ajouteriez-vous?
PG: Tout d’abord, je n’ai jamais quitté le taekwondo. Je trouve que c’est une très bonne chose que notre discipline évolue. Nous sommes dans une nouvelle ère avec une discipline beaucoup plus “juste” où tout le monde a sa chance de gagner. Je suis ravi que la discipline parataekwondo rentre enfin au programme des Jeux de Tokyo 2020 et fier de savoir que ma fédération sera la première à mettre en place des compétitions mixtes hommes femmes.
MT: La motivation est l’un des meilleurs outils du sport, quelle était votre motivation, ce qui vous a permis de rester debout malgré l’adversité?
PG: Ma motivation a évolué tout au long de ma carrière. Au début c’était l’amour mais aussi déjouer les pronostics de tous ceux qui ne croient pas en vous, ensuite c’était améliorer ma condition de vie, puis, entrer dans l’histoire, et encore, faire tomber les records. La motivation évolue avec l’âge, avec les situations de vie, et effectivement, sans motivation, on ne peut pas avancer. C’est également vrai dans la vie professionnelle. De façon générale, j’ai appris par le biais du sport, le cheminement vers le succès et c’est ce chemin que je suis aujourd’hui dans ma vie professsionnelle.
MT: Nous avons souvent un partenaire fidèle, qui nous aide à faire ressortir le meilleur de nous-mêmes, qui était votre meilleur partenaire d’entraînement?
PG: Bruno Ntep car c’est mon meilleur ami mais en réalité c’était mes adversaires au quotidien, Thierry Troudard, Moktar Doumbia, Mickaël Borot, Firmin Zokou, Djio Anderson, etc.. finalement c’est dans l’adversité et la difficulté qu’on grandit et Bruno Ntep n’a jamais été un adversaire mais un ami fidèle.
MT: Peut-être psychologique mais il y a toujours une personne, qui nous rend la vie difficile dans un combat, en français on l’appelle “la bête noire”. Qui était ce concurrent qui vous a rendu la vie impossible?
PG: C’était moi la bête noire ! La bête noire d’une partie de la liste de ceux que je viens de mentionner, à laquelle je rajouterai Mickaël Meloul qui est passé de la catégorie des mi-lourds à la catégorie des lourds et qui rêvait de faire les Jeux Olympiques de Sydney 2000.
MT: Vous avez suivi le cours d’arbitrage en taekwondo et de nombreuses fois, les athlètes se plaignent de certaines décisions, aujourd’hui en regardant le combat avec cet œil: que diriez-vous aux athlètes?
PG: Aujourd’hui, les problèmes d’arbitrage sont quasiment inexistants dans le taekwondo, et je suis fier d’avoir contribué à cette évolution.
MT: Nous avons tous une technique que nous avons perfectionnée et qui nous distingue des autres, quelle était la vôtre?
PG: Le pit tolyo, technique avec laquelle j’ai assainé pas mal de K.O. notamment aux Jeux Olympiques de Sydney 2000.
MT: Outre le taekwondo, quel est le sport que vous auriez aimé pratiquer?
PG: Pourquoi pas un sport collectif comme le basket? Car la victoire en équipe que ce soit dans le basket ou le rugby doit être quelque chose de fantastique à partager.
MT: L’un des moments les plus difficiles de la carrière d’un athlète est de se retirer du sport qu’il aime autant. Quel a été votre processus de retraite? Qu’est-ce qui vous a fait prendre cette décision?
PG: Pas s’il a anticipé sa retraite, et ciblé un centre d’intérêt dans lequel il pourra mettre autant d’énergie que pour son sport et sa passion. J’ai mis un terme à ma carrière après les Jeux de Beijing en 2008 et je suis parti en retraite chez mon meilleur ami à Portland dans l’Oregon, Bruno Ntep. Et c’est là, dans le calme de l’Oregon, non loin du siège de Nike US que j’ai planifié mon après-carrière, et c’est tout naturellement la Chine qui est arrivée comme une évidence.
La crise financière en 2008 a fait que très peu de gens investissaient dans le sport et tous mes investissements étant dans l’immobilier, je ne voulais surtout pas risquer de déstabiliser tout ce que j’avais construit depuis ces dernières années. Je me suis dit qu’il était temps de changer. J’ai pris une sage décision. Ce qui ne m’a pas empêché de revenir à la compétition 4 ans après et de gagner quelques titres.
MT: Aujourd’hui, vous êtes ambassadeur du sport dans votre pays, quels sont sensations de participer en quelques choses d’aussi beau et significatif?
PG: Il faut savoir que le sport est une toute petite pierre dans cet univers, il y a des choses beaucoup plus grande et importante que le sport, la paix, la condition de la femme, l’éducation, etc.. le sport ne pèse rien à côté. Mais le sport peut être un moyen de porter ces causes et je m’y attache particulièrement chaque fois que j’en ai la possibilité.
MT: Malgré votre retraite et le fait d’être un grand ambassadeur du sport dans votre pays, vous continuez à soutenir et à être en contact avec les athlètes de taekwondo. Quels sont vos projets pour continuer à apporter votre grain de sable au taekwondo français?
PG: Je suis co-président de la commission des athlètes de World Taekwondo au côté de Nadine Dewani, et de ce fait membre du conseil de la Fédération mondiale ce qui me permet de prendre part aux décisions au niveau mondial pour mon sport. Récemment j’ai proposé la création de la Taekwondo Humanitarian Task Force pour intervenir en urgence, suite à l’explosion au Liban à Beyrouth. La Fédérétaion mondiale est donc intervenue par le biais de Taekwondo Humanitarian Foundation (THF) en déployant du personnel et en faisant des dons.
Au niveau national, en tant qu’élu et chargé de la communication, cela me permet de les suivre dans leur carrière et je garde un lien avec eux via les réseaux sociaux.
MT: Comment raconteriez-vous votre histoire professionnelle à votre fils s’il vous le demandait?
PG: C’est l’histoire d’un jeune homme qui cherche sa voie et commence une discipline à l’âge de 18 ans par passion. La suite de l’histoire reste encore à écrire.
MT: Vous avez eu une carrière sportive réussie, qu’ajouteriez-vous à votre légende?
PG: J’espère une carrière réussie dans le milieu des affaires et je vous le dirais quand j’aurais gagné mon premier milliard (sourire).
MT: La vie d’une personne n’est pas limitée qu’au professionnel, quels sont vos meilleurs passe-temps?
PG: J’aime beaucoup l’équitation, la plongée sous marine, le roller et globalement passé du temps avec ma famille et ceux que j’aime.
MT: Nous avons vu vos vidéos publicitaires et une photo que vous avez postée avec l’un des plus grands de l’histoire d’Hollywood: Will Smith. Auriez-vous aimé être acteur de cinéma?
PG: Oui effectivement, quand j’étais athlète, je me destinais à une carrière dans le cinéma. Et oui, j’ai joué quelques rôles dans des films mais en 2008 après cette crise financière quand il a fallu faire le choix, je ne voulais pas repartir sur le même principe que j’avais mis en place pendant ma carrière – c’est à dire courrir après les cachets, c’est donc tout naturellement vers le milieu de l’entreprise que je me suis orienté, pour quelques années plus tard, devenir un réel entrepreneur et investisseur.
MT: Vos fans sont nombreux dans le monde et ils aimeront sûrement vous poser cette question. Quel a été votre secret pour atteindre un niveau aussi élevé?
PG:
La foi, l’abnégation, le travail, l’effort, toujours se remettre en question, toujours se dire qu’il y a quelqu’un dans le monde qui est plus fort que toi, même si tu es sur les plus hautes marches des podiums ..
MT: Quelque chose de triste que nous constatons chez les athlètes, c’est une forte baisse dans tous les domaines de leur vie après leur retraite, que conseilleriez-vous à la nouvelle génération pour éviter ce phénomène? Quelles sont les valeurs éthiques et professionnelles que vous lui enseigneriez?
PG: On ne peut pas passer de 6 heures d’entraînement par jour 5 jours par semaine, à plus rien sans qu’il n’y ait des séquelles ou des conséquences, un manque, un manque d’engouement. Même si au final c’est très très dur ce que l’on fait, on le fait avec passion, même si parfois uniquement pour la gloire ou pour des médailles en chololat.
Recherchez le même niveau d’excellence dans tout ce que vous entreprenez dans la vie car si vous êtes capable de le faire dans le sport, vous en êtes capable dans votre seconde vie.
MT: Tant de personnes qui nous soutiennent pour réaliser notre rêve. Quelles sont les personnes qui vous ont aidé dans votre carrière?
PG: Il y en a beaucoup. Je citerai déjà en premier lieu Jorge Mora mon mentor mais également et évidemment, le DTN Philippe Bouedo qui le premier m’a donné ma chance, mes entraîneurs et coachs Jean-Pierre Sicot, Jean-Michel Brunelle, Oury Stanzman, Patrick Stanczak ou encore Houcine Mezzach, Philippe Pinerd et tous mes adversaires et partenaires d’entraînement, sans oublier tous ceux qui n’ont jamais cru en moi, et Dieu sait qu’ils étaient nombreux (sourire).
MT: Sa a été un plaisir de partager un moment avec vous. Je vous en prie, un dernier mot pour votre famille et les lecteurs.
PG: Je souhaite à tous une année 2021 beaucoup plus paisible et prolifique que la précédente. A ma femme et à mes enfants je leur promets de moins voyager dans les prochains mois même si, avec la réouverture des frontières, ce ne sera pas forcément vrai.
Carlos Hernández
Moustapha Coulibaly
Mundotaekwondo
taphacoulibaly69@gmail.com